PESTICIDES EN PLAINE D’AUNIS : ATMO 2021- DES ANALYSES ACCABLANTES

LES PESTICIDES EN PLAINE D’AUNIS : DES ANALYSES 2021 ACCABLANTES DE L’ATMO, ET POURTANT INCOMPLETES

8 septembre 2022

Les résultats de l’analyse des pesticides dans l’air dans la plaine d’Aunis en 2021 sont accablants, et ils ne révèlent qu’une partie de la contamination aux pesticides. Les analyses progressent, les molécules recherchées sont désormais au nombre de 107 au lieu de 67 en 2018, et les molécules les plus massivement utilisées sont recherchées. Mais en 2021, sur ces 107 molécules recherchées, la moitié des substances actives sont soit interdites, soit non achetées par les résidents de ce secteur et donc peu susceptibles d’être détectées, hormis le lindane et celles autorisées jusqu’en 2020.

Entre les années 2018 et 2020, plusieurs secteurs de grande culture du département connaissent des achats de pesticides en hausse, aussi ne faut-il pas s’étonner d’une absence d’amélioration de la qualité de l’air.

Code PostalSecteurs de code postalMoyenne pour les années 2018/2019 d’achats substances hors soufre
(en kg)
Achats de substances par secteur de code postal en 2020 hors soufre
(en kg)
Evolution
17470Aulnay26 61133 191+ 24,7%
17700Surgères41 47351 303+ 23,7%
17440Aytré403486+ 20,4%
17290Aigrefeuille-d’Aunis20 96225 163+ 20,0%
17620Échillais11 16713 358+ 19,6%
17170Saint-Jean-de-Liversay28 05433 292+ 18,7%
17380Tonnay-Boutonne22 51226 680+ 18,5%
17250Pont-l’Abbé-d’Arnoult41 82748 686+ 16,4%
17430Tonnay-Charente20 80423 388+ 12,4%
17220Sainte-Soulle30 73633 519+ 9,1%
Comparaison du secteur de Sainte-Soulle où se situe Montroy, commune d’implantation du capteur,
avec d’autres secteurs de grandes cultures du département

Sur les 107 molécules recherchées par l’ATMO, seulement 50 figurent sur la liste des 134 substances achetées en 2020 dans la plaine d’Aunis et soumises à redevance pour pollutions diffuses (RPD) en raison de leur toxicité. Sur le secteur 17220, ces 134 substances soumises à la RPD représentent 32 tonnes en 2020. Les achats de l’année 2021 n’ont pas été publiés à ce jour. Au total, 40 substances sont détectées dans l’atmosphère de la plaine d’Aunis les ¾ figurant sur la liste des 50 substances achetées et recherchées. Encore une fois, les effets cocktails, démultipliant les impacts délétères de ces substances, seraient également à considérer.

Dans le secteur 17220, comportant 12 communes, orienté vers les grandes cultures lesquelles couvrent 95 % de la surface totale du territoire, un nombre alarmant de cancers pédiatriques ont été recensés ; sous la pression citoyenne, la communauté d’agglomération a engagé une action de médiation avec la profession agricole.

Des légumes cultivés par des habitants de ces communes d’Aunis, aux portes de La Rochelle, dans des jardins non traités aux pesticides, situés à plus de 200 mètres des champs agricoles, ont été analysés. 43 % des analyses révèlent des pesticides ; 29 % des échantillons dépassent la limite maximale de résidus. Quatre molécules différentes sont quantifiées : prosulfocarbe, aclonifen, chlortoluron et métaldéhyde. Le prosulfocarbe et le chlortoluron dépassent respectivement les limites maximales de résidus de 4 et 1,5 fois. Ces légumes sont impropres à la consommation et des études plus poussées sont demandées.

Des herbicides massivement utilisés

Une forte densité de molécules herbicide est démontrée. Le cumul hebdomadaire moyen pour les herbicides est de cinq à vingt fois supérieur à celui des autres sites de Nouvelle-Aquitaine, et bien au delà pour le cumul maximal hebdomadaire avec 274 ng/m3 pour les seuls herbicides. Sans qu’aucune norme sanitaire ne permette de qualifier la toxicité de cette contamination.

La molécule herbicide de prosulfocarbe détectée bat tous les records avec 268 ng/m3 en novembre 2021 pour un cumul des herbicides relevé de 274 ng/m3. Le prosulfocarbe relève de la classification Env A pour laquelle est attribuée une toxicité aigüe pour le milieu aquatique ou toxicité chronique de catégorie 1 ou 2, ce qui signifie : très toxique pour les organismes aquatiques, entraînant des effets néfastes à long terme. Le prosulfocarbe, d’usage récent, relève de la famille chimique des thiocarbamates, ce groupe est reconnu comme pouvant altérer les capacités cognitives et motrices chez l’enfant, provoquer la maladie de Parkinson, lymphome non hodgkinien, leucémie, cancer de la prostate, maladies respiratoires, thyroïdiennes (expertise collective Inserm 2021).

La massification de l’emploi des herbicides est très inquiétante : sur les 134 substances actives achetées, 74 sont des herbicides, classées ou suspectées d’être des perturbateurs endocriniens (PE) pour 27 d’entre elles. Seulement 26 substances herbicides figurent sur la liste des substances recherchées et 18 d’entre elles sont détectées ; toutefois les plus massivement utilisées y figurent. Les 74 substances herbicides pèsent pour 86% du tonnage total des achats de l’ensemble des substances soumises à RPD, avec 27,5 tonnes.

Champ après épandage d’herbicide

En ne considérant que les seuls herbicides, l’effet cocktail aggravant est assuré puisque l’on peut penser que ces 74 herbicides sont en grande partie pulvérisés sur les mêmes périodes. En 2017, une équipe de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (IRSET) de Rennes spécialisée dans les « effets cocktails » a montré pour la première fois sur des tissus humains qu’un mélange de molécules aux propriétés perturbatrices endocriniennes pouvait avoir un effet démultiplié sur l’organisme, avec un facteur allant de 10 à 1000. Parmi les substances herbicides achetées en 2020, celles-ci sont recherchées par l’ATMO :

SubstancesAchats 2020 (en tonnes) sur le secteur de Montroy (17220)Classification – toxicité
Glyphosate9Génotoxique – perturbateur endocrinien
Prosulfocarbe5,5Env A
Pendimethaline2,3Env A – perturbateur endocrinien
Chlortoluron2,2CMR
Aclonifen1,3CMR
S-métolachlore0,8Env A
Propyzamide0,8CMR – perturbateur endocrinien
Diméthénamide-P0,8Env A
Triallate0,13Env A

Le glyphosate est détecté en faible quantité malgré des achats massifs, tandis que le prosulfocarbe est le plus massivement quantifié par ATMO en raison de sa volatilité. Le chlortoluron (CMR) et deux autres herbicides, le pendimethaline et le propyzamide, sont des perturbateurs endocriniens avérés.  Ces 9 principaux herbicides représentent à eux seuls 67 % de la totalité des achats de substances soumises à redevance pour pollutions diffuses.

Des fongicides particulièrement dangereux, pourtant peu recherchés

Sur le secteur de code postal 17220, 37 substances fongicides ont été achetées en 2020, parmi lesquelles 17 substances sont recherchées, et 13 détectées par l’ATMO. Le taux de détection est important, l’effet cocktail l’est également. Parmi les plus dangereuses de ces substances, figurent les fongicides SDHI, qui impactent à des doses infimes. Ils sont peu recherchés bien qu’ils soient massivement utilisés. Sur les 6 substances SDHI utilisées, seulement 2 sont recherchées et ne représentent que 30 % des fongicides SDHI utilisés sur la plaine d’Aunis. 314 kg de ces 6 substances SDHI ont été achetés en 2020 avec des doses d’utilisation de l’ordre de 100 g/ha. Seul le fluopyram a été détecté.

Pourquoi ces résultats sont-ils parcellaires et laissent-ils de côté de multiples molécules dangereuses ?

  • Les produits vendus contiennent une, deux ou trois substances actives ainsi que d’autres molécules chimiques appelées adjuvants, destinées à rendre la ou les substances actives plus toxiques et pénétrantes. Or ces adjuvants sont souvent plus toxiques que la substance elle-même. Ils font partie du secret industriel et ne sont pas divulgués. Ils ne sont pas recherchés alors qu’ils peuvent représenter 50 % du produit commercialisé, cf. les études du professeur Séralini sur le Roundup et les travaux de l’Inserm de 2021.
  • Sur les 107 molécules recherchées par ATMO, seulement 50 ont été utilisées sur le secteur de code postal de Sainte-Soulle. 134 substances pesticides de synthèse soumises à la redevance pour pollutions ont été achetées en 2020, soit un taux de 37 % (en nombre de substances) de substances toxiques recherchées dans la surveillance de la qualité de l’air. Au regard des tonnages, c’est un peu mieux avec 59 % de substances recherchées. En multipliant les molécules utilisées, cette diversification entrave leurs détections respectives, sans prise en compte de l’effet cocktail.
  • Sur le secteur 17220, sur les 50 substances achetées et recherchées, 10 sont achetées à moins de 10 kg en 2020, et ont une faible probabilité de détection, alors que 11 substances toxiques non recherchées sont achetées selon des quantités variant de 100 kg à 600 kg et sont de surcroît des perturbateurs endocriniens pour la moitié d’entre elles.

Une grande variabilité des dosages – Quelles conséquences sur la détection et la toxicité des molécules ?

Sont présentes des substances dont le grammage est de 1 kg/ha et d’autres dont les recommandations sont de 25 g/ha, pour des impacts phytosanitaires tout autant délétères. Les ng/m3 d’air détectés ou quantifiés ont-ils les mêmes dommages collatéraux sur la santé et sur l’environnement, surtout lorsqu’ils sont PE ou CMR ? Les PE sont fortement soupçonnés d’avoir une relation dose-effet spécifique. La toxicité n’est pas nécessairement proportionnelle à la dose. Certaines substances peuvent ainsi avoir des effets délétères à très faibles doses, selon les contextes. On parle d’effets non monotones ou non linéaires. Des travaux de recherche conduits sur plusieurs générations animales ou humaines ont montré que les effets de certains PE peuvent se transmettre aux générations suivantes.

SubstancesDoses à l’hectareDétection et quantification plaine d’Aunis Pic hebdomadaireAchats 2020 (tonnes) sur le secteur de CP 17220
Glyphosate – herbicide – PE1 080 gDétecté, non quantifié9
Prosulfocarbe – herbicide – Env A4000 g268 ng/m35,5
Chlortoluron – herbicide – CMR500 g à 1 500 g10 ng/m32,1
Pendimethaline – herbicide – PE600 g à 1200 gDétecté, non quantifié2,3
Diméthénamide – herbicide – EnvA1 500 gDétecté0,75
Boscalid – fongicide SDHI80 gNon détecté0,02
Cyperméthrine – insecticide – PE25 gNon détecté0,19
Pyrimicarbe -insecticide – CMR350 gDétecté, non quantifié0,15

ACHATS 2020 DE SUBSTANCES PESTICIDES HORS SOUFRE, rapportés à l’hectare de surface agricole et à l’hectare de surface totale

Les secteurs viticoles apparaissent plus contaminés en raison de l’utilisation massive de fongicides ; mais parmi les secteurs de grande culture, la plaine d’Aunis est le secteur le plus contaminé aux pesticides au regard des achats rapportés à la totalité de la surface, en raison d’une SAU couvrant 95 % du territoire.

CLASSEMENT DES ACHATS 2020 DE SUBSTANCES PESTICIDES HORS SOUFRE, rapportés à l’hectare de surface agricole et à l’hectare de surface totale

COULEURS

En violet, les secteurs à dominante viticole ;

En rouge, les secteurs de grandes cultures.

En jaune, les achats 2020 de substances pesticides hors soufre, rapportés à l’hectare de surface agricole

En bleu, les achats 2020 de substances pesticides hors soufre rapportés et à l’hectare de surface totale.

SIGLES UTILISES POUR LES ORIENTATIONS AGRICOLES TECHNICO-ECONOMIQUES DES COMMUNES