DEUX DANGEREUX INSECTICIDES MASSIVEMENT UTILISÉS SUR LA ROCHELLE

Silo du Port Atlantique de La Rochelle
Silo du Port Atlantique de La Rochelle

ACHATS DES 2 INSECTICIDES PHOSPHURE D’ALUMINIUM ET PYRIMIPHOS-MÉTHYL

Chaque année sur La Rochelle, deux substances insecticides sont massivement achetées pour le traitement des silos à grains et le commerce du bois sur le grand port : le phosphure d’aluminium et le pyrimiphos-méthyl. Ils sont classés l’un et l’autre dans la catégorie Santé A. Cela signifie qu’ils présentent une toxicité aiguë et/ou une toxicité spécifique pour certains organes, donc un fort risque pour la santé humaine, d’où la redevance élevée à laquelle ils sont soumis : 5,10 €/kg.

Sur La Rochelle en 2023, ces deux insecticides totalisent 3105 kg d’achats alors que sur la même période, l’ensemble des pesticides soumis à la redevance pour pollutions diffuses (en raison de leur toxicité et dangerosité) totalisent 3796 kg. Ces deux insecticides représentent donc sur La Rochelle 82 % des pesticides les plus toxiques utilisés. Sur tout le département, le phosphure d’aluminium n’est acheté qu’à La Rochelle.

L’historique est le suivant, selon les données des fichiers officiels (BNVD) d’achats de substances pesticides :

AnnéesAchats (kg) de phosphure d’aluminium sur La RochelleAchats (kg) de pyrimiphos-méthyl sur La RochelleAchats (kg) de pyrimiphos-méthyl en Charente-MaritimeTotal (kg) des achats sur La Rochelle pour ces 2 insecticides
20172830290029005731
201833538508504203
20191157155017332707
202027301012730
2021450601450
20222295101411343429
202325056008053105

En Charente-Maritime, 372 000 hectares de terres agricoles reçoivent des traitements pesticides conventionnels. 36 substances insecticides y sont utilisées pour un total de 27 tonnes. Ainsi avec 3,3 tonnes employées sur une surface de 550 ha, la pression des insecticides sur ce terminal portuaire est particulièrement forte.

Nous constatons que la quasi-totalité des achats de ces deux insecticides sur le département concerne la commune de la Rochelle. Nous n’avons pas d’explication sur la fluctuation de leurs achats. Toutefois des contrats de sous-traitance ont été passés entre la coopérative SICA Atlantique et la société SGS qui dispose de plusieurs implantations en France, ce qui pourrait permettre des achats d’insecticides sur un autre site que celui de La Rochelle malgré une utilisation locale. Cette société sous-traitante est une filiale de la multinationale suisse intitulée SGS qui opère dans le monde entier. Pour ses opérations en France, voir SGS.

TOXICITÉ DES SUBSTANCES

Phosphure d’aluminium

« Le phosphure d’aluminium est un sel de phosphore et d’aluminium (cation), à l’aspect de poudre blanche. Il est hydrolysant (il réagit avec l’eau), c’est pourquoi il doit être maintenu au sec, car mélangé à l’eau ou à un acide, il subit une hydrolyse et donne un hydroxyde et de la phosphine PH3, un gaz très dangereux : toxique et inflammable. » (Wikipédia)

« À température et pression ordinaires, la phosphine est un gaz hautement écotoxique, phytotoxique, hautement toxique pour les mammifères (dont l’être humain), et pour lequel il n’existe pas d’antidote. (…) La phosphine est utilisée comme pesticide, il serait le plus utilisé dans le monde comme fumigant, bien qu’un nombre croissant de souches d’espèces ciblées y soient devenues résistantes. » (Wikipédia)

Selon E-Phy (plateforme internet de l’ANSES), ce produit n’est plus autorisé dans l’agriculture en France mais l’est pour la fumigation sur des stockages de céréales.

Le phosphure d’aluminium (ou aluminium phosphide) est aussi présenté sur un document de l’INRS, lequel indique : « Dans les conditions normales, la phosphine est un gaz incolore, légèrement plus lourd que l’air. Inodore à l’état pur, elle possède généralement une odeur d’ail ou de poisson en décomposition, due à la présence d’impuretés (diphosphine et phosphines substituées), détectable selon les sources vers 0,02 – 2 ppm. »

Le site E-Phy sur sa page phosphure d’aluminium mentionne les dangers liés à la présence de cette substance dans les produits pesticides. Exemple du PHOSTOXIN TABLET (d’AMM 9500323, il en contient 560 g/kg) où sont mentionnées les informations suivantes :

Dangers du phosphure d'aluminium- exemple du produit Phostoxin Tablet qui en contient 560 g/kg

2505 kg de phosphure d’aluminium (achats 2023) peuvent libérer 1037 m3 de phosphine.

Pyrimiphos-méthyl

Cette substance est tout aussi inquiétante.

L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) classe le pyrimiphos-méthyl H351, c’est-à-dire suspecté de provoquer le cancer.

La fiche de données de sécurité sur le pyrimiphos-méthyl de la société pharmaceutique Merck & Co. indique :

  • Irritation cutanée : Catégorie 2
  • Irritation oculaire : Catégorie 2B
  • Cancérogénicité (Inhalation) : Catégorie 2 (suspecté cancérogène)
  • Toxicité spécifique pour organes cibles – exposition unique : Catégorie 1 (système nerveux central).

La page E-phy du produit Pirigrain 50, contenant 50 g/L de cette substance, mentionne les indications suivantes :

PRODUITS ACHETÉS EN 2023 SUR LA ROCHELLE CONTENANT L’UN DE CES 2 INSECTICIDES

Produits contenant du phosphure d’aluminium

2 505 kg de cette substance ont été achetés sous forme des trois produits suivants :

– 3850 kg de PHOSTOXIN TABLET (AMM 9500323). Ce produit contient 560 g/kg de phosphure d’aluminium. Il est utilisé pour le traitement des bois abattus contre les insectes xylophages et sous-corticaux. Dose maximale d’emploi : 15 g/m3.

– 490 kg de PHOSTOXIN BAG BLANKET (AMM 9400202) et 122 kg de PHOSTOXIN BAG (AMM 9400196), produits générateurs de gaz. Ils contiennent chacun 570 g/kg de phosphure d’aluminium. Ils sont utilisés pour le traitement des produits récoltés contre les insectes. Dose maximale d’emploi : 30,6 g/m3.

Produits contenant du pyrimiphos-méthyl

600 kg de cette substance ont été achetés principalement sous forme de PIRIGRAIN 50 (AMM 7700703). Ce produit pour nébulisation à froid contient 50 g/L de pyrimiphos-méthyl. La Rochelle en a acheté 12 000 litres en 2023. Il est utilisé pour les céréales contre les ravageurs des denrées stockées. Sa dose maximale d’emploi est 0,008 L/q.


Phosphure d’aluminium et pyrimiphos-méthyl sont massivement utilisés pour traiter les grains en silo et les bois. Le phosphure d’aluminium dégage de la phosphine, gaz extrêmement toxique et très volatil. Suspecté cancérogène, le pyrimiphos-méthyl est volatil, il a une action fumigante en plus de son action de contact. Il laisse des résidus persistants sur grains, surfaces et dans les poussières ; ces poussières peuvent être inhalées par les travailleurs et les riverains proches lors des manutentions, vidanges ou ventilation des silos.

Leurs inhalations sont reconnues comme très dangereuses. C’est d’autant plus inquiétant en raison de l’exposition du port face à l’océan. La ville de La Rochelle se trouve sous les vents dominants par rapport aux infrastructures du Grand Port. Après fumigation, les silos doivent être ventilés pour évacuer ces substances, lesquelles sont alors emportées par les vents à moins que des dispositifs ne les filtrent, nous n’avons aucune information à ce sujet.

Concernant la phosphine, la fiche toxicologique de l’INRS précise qu’une odeur de poisson en décomposition ou d’ail est détectée entre 0,02 et de 2 ppm de présence dans l’air. Les précautions d’usage mentionnent la nécessité de maintenir ces taux dans l’air en dessous de 0,01 ppm selon l’Ephy/Anses pour les personnels et les résidents. Ce qui laisse penser, qu’une fois détectée, la présence de phosphine est déjà néfaste pour la santé des nombreux résidents de la Rochelle placés sous le vent du Grand Port. Il faudrait savoir si les résidents les plus proches constatent souvent ces odeurs et la durée d’exposition.

Il est particulièrement étonnant que l’Atmo Nouvelle-Aquitaine qui a publié le 5 juillet 2024 les résultats de ses analyses de l’air au cœur de La Rochelle – Place de Verdun, pour l’année 2023, n’ait pas pris en compte ces deux substances insecticides, phosphure d’aluminium/phosphine et pyrimiphos-méthyl parmi les 109 molécules pesticides recherchées. Tandis que ces deux insecticides devraient constitués le principal sujet de préoccupation. L’essentiel a été éludé, occulté.