Rapport détaillé – Achats 2023 de substances pesticides en Charente-Maritime
Synthèse – Achats 2023 de substances pesticides en Charente-Maritime
SYNTHÈSE
DES EVOLUTIONS CONSTRASTEES ET UNE LEGERE FLUCTUATION A LA BAISSE DES ACHATS GLOBAUX DE PESTICIDES AGRICOLES EN 2023 – Une contamination toujours aussi destructrice du vivant
Source des informations – Les fichiers BNVD de données présentant les achats de substances et de produits pesticides sont téléchargeables à partir du site Les données de l’OFB (Office Français de la Biodiversité).
BNVD : Banque Nationale des Ventes de pesticides par les Distributeurs
Les données des achats 2023 ont été publiés en mai 2025. Nous les avons sommairement étudiées pour la France (onglets FRANCE ACHATS 2023 et CLASSEMENT des DEPARTEMENTS 2023 de ce site) et les présentons ici pour la Charente-Maritime.
En 2023, la Charente-Maritime reste dans le peloton de tête des départements les plus contaminés aux pesticides de synthèse. Elle se maintient à la 8ème position pour les achats de pesticides soumis à la redevance pour pollutions diffuses (RPD).
Avec 1 687 tonnes de substances pesticides achetées en 2023 toutes catégories confondues, et 1 012 tonnes de substances soumises à la redevance pour pollutions diffuses, le département présente en 2023 des baisses respectives d’achats de -3,9 % (toutes substances) et de -7,7 % (substances RPD). En 2022, ces baisses respectives étaient de -5,5 % et -6,5 % par rapport à 2021. Au niveau national, ces évolutions sont moindres avec -3,7 % pour l’ensemble des substances et -2 % pour les substances soumises à la RPD. Nous restons loin du triomphalisme gouvernemental qui, avec l’indicateur HRI1 instauré en 2024 malgré les plus vives dénonciations de manipulation, permet aux autorités de prétendre à une baisse du risque de -36 %. Même l’INRAE dénonce le caractère arbitraire de cet indicateur de l’évolution des usages de pesticides. Générations Futures dénonce l’indicateur HRI1 dans son article Indicateur pour le suivi du plan Ecophyto : on vous explique la manip’ (Générations futures – 8 février 2024). Au regard de ces évolutions, il ne semble guère possible de faire la part du conjoncturel et de ce qui est imputable aux changements de pratiques agricoles.
Les substances CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques), les plus dangereuses, connaissent une hausse de 7,8 %, alors qu’au cours de ces dernières années plus de 20 substances hautement nocives ont été retirées à l’issue de la procédure européenne de réautorisation, obligatoire tous les dix ans (environ 8 herbicides, 8 insecticides et 6 fongicides non renouvelés). Parmi ces substances désormais interdites en Europe, figurent 13 perturbateurs endocriniens. Une fois de plus, cela démontre l’insuffisance du cadre réglementaire européen de l’autorisation initiale, fondée exclusivement sur les études fournies par les industriels du pesticide. La réforme de cette procédure d’autorisation initiale a été proposée en 2013 par la Commission européenne et n’a pu aboutir en raison des pressions du lobbying. En général, plusieurs décennies de dégâts sanitaires et environnementaux sont déplorées avant que le retrait ne soit acté.
Concomitamment, et tout autant révélateur des lacunes consternantes de cette procédure initiale d’autorisation, nous constatons en 2023 que 13 substances ont été reclassées comme étant CMR alors que 2 d’entre elles étaient jusqu’alors classées Autre, c’est-à-dire moins préoccupantes, et les 11 autres relevaient des classes Env A et Env B, évaluées comme moins toxiques. Ainsi pendant des décennies, des substances CMR ont été employées sans les précautions appropriées à la dangerosité de ce type de molécules. Le total de ces reclassifications s’élève pour le département à 48 tonnes, expliquant très probablement la hausse de la catégorie CMR qui passe de 309 tonnes en 2022 à 333 tonnes en 2023. Cette réactualisation questionne sur le nombre réel de substances sous-qualifiées au regard de leur dangerosité.
Dans ce contexte d’effondrement de la biodiversité, documenté par des milliers d’études scientifiques, la transition agroécologique, bien que lourdement financée sur fonds publics, n’est toujours pas enclenchée à une échelle cohérente avec les enjeux. La surmédiatisation de quelques réalisations pilotes ne peut faire illusion.
Actuellement, les molécules retirées dans le cadre des procédures de renouvellement des autorisations, sont rapidement substituées par d’autres substances généralement aussi toxiques et impactantes.
Départements | Achats substances RPD (tonnes) | |
1 | Somme | 1 528 |
2 | Eure-et-Loir | 1 511 |
3 | Marne | 1 474 |
4 | Aisne | 1 270 |
5 | Oise | 1 250 |
6 | Pas-de-Calais | 1 147 |
7 | Eure | 1 107 |
8 | Charente-Maritime | 1 020 |
9 | Seine-et-Marne | 1 002 |
10 | Seine-Maritime | 933 |
11 | Aube | 924 |
12 | Nord | 841 |
13 | Yonne | 816 |
14 | Loiret | 771 |
15 | Gironde | 763 |
16 | Gers | 732 |
17 | Indre-et-Loire | 731 |
18 | Loir-et-Cher | 728 |
19 | Charente | 722 |
20 | Vienne | 698 |
Nous avons constaté de légères différences de quantités d’achats entre le BNVD Achats des départements à partir duquel nous avons établi le classement des départements, et le BNVD Achats Nouvelle-Aquitaine d’où nous avons extrait les données relatives aux achats en Charente-Maritime. Selon le premier BNVD, le total des achats de substances soumis à la RPD s’élève à 1 020 tonnes en 2023, tandis que dans le second, ce total est de 1 012 tonnes.
Ces données ne concernent que les substances actives RPD, lesquelles pèsent entre 50 % et 80 % des produits commercialisés, le complément étant constitué par des adjuvants chimiques destinés à rendre la substance active plus pénétrante et agressive. Or ces adjuvants peuvent être aussi toxiques que la substance elle-même. En 2023 ce sont 1 946 tonnes et 2,44 millions de litres de produits pesticides qui ont été achetés dans le département (2 063 tonnes et 2,55 millions litres en 2022). Ces produits sont commercialisés essentiellement sous forme liquide. Il s’agit d’usages agricoles dans plus de 95 % des cas. Les ventes de substances pesticides de synthèse sont interdites depuis 2017 pour les collectivités s’agissant de lieux ouverts au public.

La Charente-Maritime possède une surface agricole de 440 000 hectares, dont 20 941 ha sont cultivés en agriculture biologique. Elle comprend 48 200 ha de prairies et 41 714 ha en cultures de vignes (ces surfaces de vignes sont à réévaluer en raison de l’extension du vignoble). 54 % de la surface totale du département sont impactés directement par des épandages de pesticides de synthèse non autorisés en agriculture biologique.
301 substances pesticides différentes sont utilisées, dont 206 sont soumises à la redevance pour pollutions diffuses (226 en 2022). Ces dernières pèsent pour 60 % du tonnage total des pesticides (62% en 2022).
Parmi ces substances soumises à la RPD, 33 % des tonnages sont des substances CMR (28 % en 2022), c’est-à-dire cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques. Ces dernières sont à leur plus haut niveau depuis 5 ans, conséquence d’un reclassement en CMR de 13 substances auparavant sous-évaluées. 2 substances auparavant classifiées Autre et 11 substances classifiées Env A ou Env B ont été intégrées dans la catégorie CMR en 2023.
Sur les 1 012 tonnes de substances soumises à la RPD, 52,4 % relèvent de perturbateurs endocriniens avérés ou présumés (55 % en 2022). Plusieurs de ces substances n’ont pas été renouvelées à l’issue de la réautorisation décennale.
Sur l’ensemble du département, la pression pesticide hors soufre par hectare de surface agricole, excluant les terres cultivées en bio et les prairies, s’élève à 3,9 kg/ha/an, atteignant presque le double sur les secteurs viticoles.
HERBICIDES – Les 85 substances herbicides présentent une baisse de -7,9 % avec 600 tonnes se combinant avec une hausse de + 6,5 % du glyphosate (213 t en 2023 contre 199 t en 2022), lequel pèse pour 35,5 % de l’ensemble de ces herbicides ; hors glyphosate, la baisse des 9 herbicides les plus utilisés est de -14 %, ils totalisent 300 tonnes.
FONGICIDES – Les 90 substances fongicides de synthèse, hors soufre et substances autorisées en agriculture biologique, totalisent 725 tonnes, en baisse de -3,9 %, avec des évolutions contrastées puisque le folpel (classé CMR) est en hausse de 10 % à 148 tonnes et que les fongicides classés « Autre » sont aussi en hausse de 2,9 % ; ces derniers, constitués principalement de 3 substances massivement employées (337 tonnes), pèsent désormais pour 53 % de l’ensemble des fongicides hors bio.


INSECTICIDES – Concernant les insecticides de synthèse, sont constatées une baisse de -14,7 % pour les 20 substances représentant 97 % des usages (23,5 tonnes) sans que l’on puisse différencier ce qui relève d’une causalité conjoncturelle ou systémique ; également une baisse des insecticides tolérés en agriculture biologique.
Les principales substances insecticides sont utilisées à des doses de quelques dizaines de grammes à l’hectare quant les herbicides le sont à plusieurs centaines de grammes voire plusieurs kilogrammes.
Dépt 17 – Principales substances insecticides | Doses recommandées par les industriels, minimales et maximales à l’hectare de SAU par an, selon les cultures |
Etofenprox | De 60 g/ha/an à 115 g/ha/an |
Lambda-cyhalothrine | De 8 g/ha/an à 60 g/ha/an |
Tau-fluvalinate | De 43 g/ha/an (associé au pirimicarbe) à 190 g/ha/an |
Cyperméthrine | De 25 g/ha/an à 150 g/ha/an – le plus souvent 96 g/ha/an |
Les substances de régulation de croissance, les nématicides fluctuent selon les années et une baisse des achats de molluscicides est constatée.
Concernant les pesticides tolérés en agriculture biologique, les fongicides hors soufre sont stables ; le soufre est en hausse de 8 % et l’ensemble des insecticides est en régression. Si on retire le soufre et le kaolin, les substances tolérées en bio ne représentent que 5,5 % de la totalité de toutes les substances, ratio identique à l’année précédente, sans que l’on puisse évaluer quel est le pourcentage utilisé par les agriculteurs conventionnels. Ces substances ne sont pas systémiques et leur bien moindre toxicité a souvent pour corollaire la nécessité d’utiliser des doses beaucoup plus importantes pour une même surface, mais sans impact durable pour la biodiversité environnante.
Classification – Redevance pour pollutions diffuses (RPD)
Classification | Evaluation toxicologique | Montant de la redevance pour pollutions diffuses |
CMR | Cancérigène, mutagène, reprotoxique | 9 €/kg |
Santé A | Toxicité aigüe et toxicité spécifique pour certains organes | 5,10 €/kg |
Env A | Toxicité aigüe pour le milieu aquatique ou toxicité chronique de cat. 1 ou 2 | 3 €/kg |
Env B | Toxicité chronique pour le milieu aquatique de cat. 3 ou 4 | 0,9 €/kg |
Autre | N’induisant pas de dommages collatéraux justifiant l’imposition de la redevance pour pollutions diffuses | / |
en fonction de la catégorie de substance
« Autre » ne signifie pas toujours sans danger. Nombre de substances bien que classées « Autre » ne sont pas admises en agriculture biologique car elles intègrent des adjuvants chimiques non évalués, et elles sont très souvent associées à des substances soumises à la redevance pour pollutions diffuses au sein des produits commerciaux ; par exemple le fosétyl-aluminium classé Autre peut être associé au folpel classé CMR, ou au métirame classé Env A et retiré en 2024. Par ailleurs, aucune étude n’analyse comment ces molécules de synthèse peuvent interférer avec l’ensemble des autres substances pesticides de synthèse diffusées dans l’environnement. En France, des autorisations de mise sur le marché ont été délivrées pour 1 700 produits pesticides vendus en 2023, ils mixent substances et adjuvants pour rendre les substances plus toxiques.
Ces substances « Autre » nécessitent des dosages beaucoup plus importants et des traitements plus fréquents. Ainsi le fongicide fosétyl-aluminium, le plus massivement utilisé avec 196 tonnes, peut nécessiter 6 kg/ha/an, le soufre au moins 30 kg/ha/an, le fongicide phosphonate de potassium 8 kg/ha/an, tandis que le boscalid, fongicide SDHI, ne nécessite que 200 g/ha/an. Il en est de même pour les insecticides, le kaolin utilisé en bio nécessite au moins 50 kg/ha/an quand la cyperméthrine peut se limiter à 50 g/ha/an.
Par ailleurs les trois principaux fongicides classifiés Autre sont employés à hauteur de 337 tonnes et leur principal métabolite, l’acide phosphoreux, a été considéré comme peu impactant jusqu’à ce qu’en 2025, l’association Alerte des Médecins sur Les Pesticides le qualifie de perturbateur endocrinien. Dans ce cas, la molécule de dégradation serait bien plus dangereuse que la molécule mère.
Est-il éthiquement acceptable de payer une redevance pour solde de tout compte d’une pollution dont les impacts dommageables sont sous-évalués mais dont témoignent l’effondrement de la biodiversité et le coût financier de la potabilisation de l’eau ? 171 forages pour l’eau potable ont été fermés depuis 30 ans en Charente-Maritime, soit approximativement autant que le nombre de forages actuellement exploités.
Quantités de substances achetées par catégorie
Catégories | Achats 2021 | Achats 2022 | Achats 2023 | 2022-2023 | % par rapport aux substances RPD |
CMR | 327 | 309 | 333 | 7,8% | 33% |
Santé A | 41 | 44 | 50 | 13,6% | 5% |
Env A | 766 | 710 | 610 | -14,1% | 60% |
Env B | 34 | 34 | 20 | -41,2% | 2% |
Totaux RPD | 1 168 | 1 097 | 1 012 | -7,7% | |
Autre | 690 | 658 | 675 | -2,4% | |
Totaux | 1 858 | 1 756 | 1 687 | -3,9 % |
Les substances CMR représentent 33 % du tonnage des substances soumises à la redevance pour pollutions diffuses, alors que ce ratio est de 24,6 % sur le territoire français. La propension à l’utilisation des molécules les plus toxiques reste importante en Charente-Maritime.
Perturbateurs endocriniens
La perturbation endocrinienne ne fait pas partie des catégories officielles d’information aux utilisateurs. Pour rappel, ces substances ou molécules chimiques perturbent ou bloquent le fonctionnement du système endocrinien, donc l’action de nos hormones.
La classification ne prend pas en compte les substances qualifiées de perturbateurs endocriniens. Dans un avis du 10 avril 2020 sur la saisine n° 2018-SA-0163, l’ANSES a publié une liste de substances, parmi les substances approuvées au niveau européen, impactant le fonctionnement endocrinien ou suspectées de produire de tels dommages.
En Charente-Maritime, 70 substances relèvent de cette liste parmi les 206 substances soumises à la RPD achetées en 2023 dans le département. 11 de ces substances sont des perturbateurs endocriniens avérés et 59 sont présumées ou suspectées de l’être. Seulement 29 de ces substances PE sont classifiées CMR, les autres relevant des catégories Santé A, Env A ou Env B. Quatre substances pesticides perturbateurs endocriniens avérés sont fortement employées : le glyphosate (213 t), le folpel (148 t), le pendiméthaline (32 t), le propyzamide (23 t).
Ces 70 substances classées PE représentent 530 tonnes soit 52,4 % de l’ensemble des substances soumises à la RPD (55 % en 2022). En tonnage, elles régressent de -12,8 % en 2023 (-6,6 % en 2022).

Fongicides SDHI
Les fongicides SDHI ont des impacts délétères à des doses infimes. Le principe de ces substances est de bloquer la respiration mitochondriale. Selon des scientifiques de l’Inserm, les SDHI peuvent déclencher des anomalies génétiques, provoquer des tumeurs et des cancers, des encéphalopathies sévères, des maladies neurologiques graves.
Ces fongicides totalisent 11,6 tonnes en 2023, en baisse de -14 %, plus proches des valeurs antérieurement constatées.
Les doses d’emploi pour les trois SDHI les plus achetés varient de 75 g/ha/an à 120 g/ha/an pour les céréales et jusqu’à 500 g/ha/an pour la vigne, tandis que les fongicides classés Autre requièrent de 6 kg/ha/an à 30 kg/ha/an.
Des dommages collatéraux sur la santé et sur l’environnement toujours plus documentés
En octobre 2017, a été publiée l’étude réalisée par le biologiste Caspar Hallmann et son équipe. Sur une soixantaine de zones protégées en Allemagne, elle établit qu’au cours des trente dernières années, la masse des insectes volants s’est effondrée de 80 %. Ils ont conclu que c’est l’utilisation de pesticides sur les zones agricoles mitoyennes de ces réserves naturelles qui était la cause de cette disparition d’insectes. La proximité géographique et la similarité des méthodes agricoles entre nos deux pays génèrent les mêmes impacts dans nos régions et un effet domino qui impacte l’ensemble de la chaîne alimentaire et la faune sauvage dont les populations sont en forte régression. Depuis 30 ans, ce sont des milliers d’études qui confirment ces ravages sur l’ensemble du vivant et la santé humaine. Dans nos propres jardins, nous pouvons souvent constater une forte diminution des pollinisateurs sauvages.
L’INSERM a livré en 2020 des résultats de son étude sur la cohorte Agrican constituée de 180 000 affiliés à la MSA (Mutualité sociale agricole). Ces études épidémiologiques établissent des preuves solides, cohérentes avec d’autres études sur la nocivité des pesticides. Six cancers sont plus fréquents par rapport à la population française dans son ensemble, dans des proportions de +20 % à +58 %. L’impact le plus important serait la maladie neurodégénérative de Parkinson avec une incidence de +50 % à +100 %.

Les centaines de substances et leurs adjuvants se dégradent, plus ou moins rapidement, en plusieurs métabolites, générant d’autres milliers de molécules qui entrent en interaction, créant un « effet cocktail » dont les milliers de scénarios ne peuvent pas être évalués. En toxicologie, on étudie traditionnellement les effets d’une seule substance à la fois, alors qu’elles se combinent par milliers dans l’environnement. Déjà en 2017, une équipe de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (IRSET) de Rennes spécialisée dans les « effets cocktails » a montré pour la première fois, que, sur des tissus humains, un mélange de molécules aux propriétés perturbatrices endocriniennes pouvait avoir un effet démultiplié sur l’organisme, avec un facteur allant de 10 à 1 000.
La règlementation des zones de non traitement par rapport aux riverains, parue en décembre 2019 et suivie d’un simulacre de concertation réitéré en 2022 sous une forme quasi-identique, avec des distances définies de 3 à 20 mètres, fixe un cadre dérisoire au regard de la volatilité et de la toxicité des produits pesticides. Les analyses de l’Atmo dans l’air de la plaine d’Aunis et de légumes dans des jardins potagers de ce même secteur ont mis en lumière la contamination ambiante à ces substances malgré des distances d’au moins 150 mètres par rapport aux champs traités. En 2024, l’analyse de cheveux d’enfants sur ce secteur ont mis en évidence une imprégnation généralisée.
Des programmes et des plans coûteux, dont l’impact sur l’évolution globale des achats est attendu depuis plus de 15 ans
Depuis 2008, le plan Ecophyto fixant l’objectif d’une réduction de 50 % des usages de pesticides, est un échec, et ses multiples renouvellements reportent toujours à plus tard une baisse de -50 % des usages phytosanitaires, sans que l’on ne sache si cela serait suffisant pour restaurer notre biodiversité au regard de la toxicité des substances. Et une telle baisse serait à regarder de près car selon les substances, le tonnage peut être diminué de moitié avec les mêmes impacts.
Désormais l’horizon est fixé à 2030 et le nouveau plan de 2024 révisé sous la pression des lobbys ne porte guère à l’optimisme tant il est dépourvu de tout objectif contraignant. Et pourtant les budgets attribués aux dispositifs R-Source pour améliorer la qualité de l’eau à potabiliser par des actions de soutien à une réduction des intrants agricoles et la législation relative à la gestion phytosanitaire des zones Natura 2000 auraient dû déjà permettre l’engagement d’un reflux d’ampleur.
Cet échec a été pointé du doigt par un rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale de décembre 2023 sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et sur l’environnement ; il porte notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire. Publié en deux tomes, il fait le constat de « l’échec du pilotage interministériel et de l’incapacité à articuler les 71 millions d’euros du plan Ecophyto avec les 643 millions d’euros consacrés à l’agroécologie et, plus encore, avec les 16 milliards d’euros de concours publics à l’agriculture ». Les rapporteurs notent aussi un « manque d’investissement des différents ministres concernés et un manque d’impulsion de la part de Matignon ». Ils soulignent « l’absence de pilotage opérationnel de cette politique, faute de responsabilité identifiée ».
Avec ces fonds, sont achetés des matériels de désherbage mécanique, sont organisées des formations sur l’agroécologie, sont financés des études, des formations et des essais, etc. Une synergie est recherchée avec d’autres plans tels les PDRR, PCAE, PVE, programmes R-Sources (cinq programmes sur le département couvrant environ 1/3 de la surface du département avec un budget global de l’ordre de 6 à 10 millions d’euros par tranche de quatre ans) dont les financements à la profession agricole portent aussi sur des objectifs de durabilité et de réduction des intrants. La nouvelle PAC avait suscité des espoirs mais sa déclinaison française avec le Plan Stratégique National ne fait que prolonger les modalités antérieures avec quelques évolutions trop marginales.
Le fort ralentissement de l’extension de l’agriculture biologique – 4,8 % de la SAU en Charente-Maritime alors que ce ratio s’élève à 10 % au niveau national – et la hausse de 20 % des surfaces du vignoble en pratique conventionnelle ne sont pas propices à une forte régression des pesticides de synthèse.
Les fermes Dephy et l’essor du label HVE3 (Haute Valeur Environnementale) sont évoqués comme les garants d’une transition agricole permettant un reflux de 50 % des utilisations d’agrotoxiques. Mais outre que les fermes Dephy sont encore très loin de l’objectif de 10 % des exploitations, le label HVE3 autorise les pires agrotoxiques et nombre d’institutions en relèvent l’absence d’ambition et son incapacité à permettre une restauration des milieux naturels. Et ce label est financé par la PAC presque au même niveau que l’agriculture biologique !
Les pouvoirs publics poursuivent aujourd’hui l’engagement de moyens importants pour soutenir les alternatives aux pesticides, principalement avec l’INRAE dans le cadre d’un programme prioritaire de recherche. L’agroécologie et les alternatives aux pesticides sont au cœur de la feuille de route 2030 de l’INRAE qui coopère sur ces thèmes avec les instituts de recherche de 20 pays européens mais dans le même temps, les syndicats agricoles ont obtenu une remise en cause des évolutions positives de ces 20 dernières années. Dans les faits, la transition agroécologique continue à relever de l’incantation et d’une promesse pour le futur – à quel horizon ? Après une multitude d’études depuis une décennie, combien d’autres seront encore nécessaires pour répéter les mêmes contenus ? D’année en année, la biodiversité se dégrade un peu plus, mais les lobbys de l’agro-industrie imposent une inertie et les quelques transitions individuelles, souvent médiatisées, ne peuvent occulter cet immobilisme tandis que l’urgence est là.
Aujourd’hui le message politique devient inaudible, incohérent. D’un côté, persiste l’évocation d’un objectif de restauration de la biodiversité vague et sans cesse repoussé, indéfectiblement associé à l’agroécologie ; de l’autre, sous la pression des deux principaux syndicats agricoles et de leurs lobbyistes parlementaires, un forcing est mené pour nous ramener 30 années en arrière vers une intensification des pratiques toujours plus destructrices. Et dans le même temps, est formulée l’annonce gouvernementale de 143 millions d’euros engagés dans la recherche et le développement de solutions alternatives. Encore faudra-t-il que les parties prenantes adhèrent aux solutions proposées qui devront bénéficier d’une sécurisation financière d’accompagnement.

Pression pesticide rapportée d’une part à l’hectare de surface agricole, d’autre part à l’hectare de surface du secteur de code postal
Pour comparer la pression pesticide sur les différents secteurs de code postal, les achats hors soufre sont rapportés aux superficies totale et agricole de chaque secteur de code postal, en kg/ha.
Le tableau présente le classement des 30 premiers secteurs de code postal sur un total de 74 secteurs. Le nombre de communes par secteur de CP est très variable.

Le chiffre précédant l’orientation agricole indique le nombre de communes concernées par cette orientation sur le secteur.
Classement – Les données du tableau ci-dessous sont classées en fonction des achats de substances hors soufre rapportés à la surface totale en hectares du secteur de code postal (dernière colonne). Les secteurs les plus pollués sont des secteurs à dominante viticole, ces derniers utilisent environ deux fois plus de substances pesticides, hors soufre.
Le kaolin est inclus dans les achats présentés dans ce tableau. Les quantités de cette substance impactent essentiellement le secteur 17500 (Jonzac). Les près de 17 tonnes qui y ont été achetées en 2023 représentent 45 % des achats du département. Hors soufre et hors kaolin, le secteur 17500 présente des pressions pesticides de 6,34 kg/ha (7,44 si seulement hors soufre) et 4,76 kg/ha (5,58 si seulement hors soufre).
Secteur code postal (CP) | Chef-lieu du CP | Nombre de communes | Orientation agricole | % de terres agricoles / surface du CP | Achats 2023 hors soufre (kg) | Surface agricole (hectares) | Achats hors soufre / surface agricole (kg) | Achats hors soufre / surface du CP (kg) |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
17520 | Archiac | 14 | 13 V/ 1 PP | 0.77 | 101451 | 13372 | 7.59 | 5.84 |
17500 | Jonzac | 24 | 12 V/10 PP/ | 0.75 | 114970 | 15455 | 7.44 | 5.58 |
17260 | Gémozac | 10 | 6 PP/ 4 V | 0.69 | 64860 | 10162 | 6.38 | 4.4 |
17770 | Burie | 17 | 10 V/2 F/5 PP | 0.67 | 87509 | 13425 | 6.52 | 4.37 |
17160 | Matha | 17 | 9 V/ 6 PP/ 1 F | 0.78 | 80465 | 15192 | 5.3 | 4.13 |
17800 | Pons | 21 | 12 V/8 PP | 0.75 | 106623 | 19456 | 5.48 | 4.11 |
17490 | Beauvais-sur-Matha | 9 | 6 PP/3 V | 0.84 | 40084 | 8511 | 4.71 | 3.96 |
17610 | Chaniers | 4 | 3 V/ 1 PP | 0.56 | 26506 | 4591 | 5.77 | 3.23 |
17240 | St-Genis-de-Saintonge | 16 | 10 PP/ 6 V | 0.66 | 67987 | 14419 | 4.72 | 3.11 |
17120 | Semussac | 14 | 8 PP/ 5 V/1CG | 0.7 | 68196 | 15542 | 4.39 | 3.07 |
17150 | Mirambeau | 14 | 7 V/ 6 PP/ 1 F | 0.58 | 53753 | 12110 | 4.44 | 2.57 |
17400 | Saint-Jean-d'Angély | 18 | 11 CO/ 7 PP | 0.74 | 51737 | 15656 | 3.3 | 2.45 |
17100 | Saintes | 9 | 5 PP/ 3 V/ 1 F | 0.45 | 31618 | 6042 | 5.23 | 2.35 |
17460 | Thénac | 10 | 8 PP/ 2 CO | 0.7 | 33688 | 10227 | 3.29 | 2.31 |
17130 | Montendre | 17 | 9 PP/ 5 V/ 1 F | 0.49 | 36509 | 8069 | 4.52 | 2.22 |
17810 | St-Georges-des-Coteaux | 4 | 3 PP/F | 0.65 | 12507 | 3874 | 3.23 | 2.1 |
17220 | Sainte-Soulle | 12 | 11 CO | 0.95 | 24564 | 11485 | 2.14 | 2.03 |
17700 | Surgères | 11 | 4PP/4CO/3CG | 0.91 | 43019 | 19768 | 2.18 | 1.98 |
17250 | Pont-l'Abbé-d'Arnoult | 13 | 7 PP/5 CG/1 CO | 0.79 | 39098 | 16277 | 2.4 | 1.9 |
17540 | Vérines | 7 | 6 CO/ 1 PP | 0.85 | 17099 | 7838 | 2.18 | 1.85 |
17138 | Puilboreau | 2 | PP | 0.85 | 3593 | 1795 | 2 | 1.7 |
17600 | Saujon | 17 | 12 PP/ 5 CO | 0.75 | 46398 | 20454 | 2.27 | 1.7 |
17470 | Aulnay | 12 | 8 CO/ 4 PP | 0.74 | 28774 | 13633 | 2.11 | 1.56 |
17840 | La Brée-les-Bains | 1 | V/M | 0.17 | 1043 | 120 | 8.69 | 1.48 |
17170 | Saint-Jean-de-Liversay | 10 | 5 CO/ 5 PP | 0.72 | 29017 | 14369 | 2.02 | 1.45 |
17780 | Soubise | 4 | 2 PP/ 2 CO | 0.74 | 8295 | 4327 | 1.92 | 1.42 |
17330 | Loulay | 15 | 9CO/5PP/1CG | 0.72 | 24483 | 12781 | 1.92 | 1.38 |
17690 | Angoulins | 1 | CG | 0.29 | 1060 | 225 | 4.71 | 1.37 |
17380 | Tonnay-Boutonne | 13 | 8 PP/ 5 CO | 0.85 | 25692 | 16402 | 1.57 | 1.33 |
17510 | Néré | 9 | 6 CO/ 3 PP | 0.71 | 15596 | 8343 | 1.87 | 1.33 |
17000 | La Rochelle | 1 | Grand port | 0.09 | 3874 | 276 | 14.04 | 1.26 |